Il était une fois, Grold, un très vieux dragon, qui vivait dans sa grotte. Toute sa jeunesse, il avait écumé les terres, à la recherche de trésor à piller.
Une journée de printemps, après une sieste de quelques semaines, il se préparait à sortir se dégourdir les ailes et dévorer une vache ou deux. Alors que Grold se faufilait hors de sa tanière, il entendit comme une respiration…
Il tourna la tête, et vit une petite fille, pelotonnée dans de vieilles étoffes qu'il avait trouvé l'année passée, dans une caravane. Grold ne se souvenait pas avoir pris cette petite avec les tissus. Il tendit son long cou vers l'enfant, pour mieux la sentir.
C'est alors que la fillette se réveilla, alertée par l'odeur du dragon. En voyant cette grosse tête monstrueuse, elle se mit à hurler de toutes ses forces. Surpris par ce cri strident, Grold recula et se cogna la tête contre les stalactites de sa caverne. Ce cri résonnait sur les parois, et semblait ne jamais devoir finir. Grold battit en retraite hors de sa caverne, tant ce bruit lui faisait mal aux oreilles, et s'envola vacillant, car dans sa tête résonnait le hurlement de la petite.
Il revint dans la nuit, après avoir mangé un troupeau de chèvre, car son sommeil et ces émotions l'avaient affamé. Mais la petite était encore là. Elle allait se remettre à crier de peur, mais le vieux Grold ne voulant pas perdre ses oreilles, recula en faisant de grands gestes avec ses pattes pour demander pitié. La petite, surprise par la réaction du dragon, en oublia de crier, et elle commença à rire en voyant la tête apeurée de Grold.
Le vieux dragon, n'avait jamais entendu si belle chose. Il se demanda :
"Comment se peut-il, après toutes ses années à parcourir le monde, que je n'ai jamais découvert si beau trésor ?"
Il faut dire que les dragons n'ont pas souvent l'occasion de voir, quelqu'un heureux. Leur seule présence, suffit à faire fuir tout un village, et à attirer des paladins vociférants, comme un bon jambon attire les mouches.
Mais Grold était charmé par le son du petit rire qui résonnait dans sa caverne. Il ferma ses grands yeux de lézard pour mieux goûter au bonheur d'entendre cette enfant.
Elle se calma doucement et s'arrêta de rire, émerveillé par ce dragon. Elle s'approcha de lui, et lui demanda de sa petite voix aiguë :
"Je croyais que les dragons mangeaient les petites filles.
 Grold se trouva soudain très vieux. Et pourtant il était passé à côté de tellement de chose…
"Je m'appelle Vinia, dit la petite. Et toi, tu as un nom méchant dragon?
- Grold! Souffla-t-il. Mais à peine avait-il prononcé son nom, que Vinia se boucha le nez. Ne voulant pas blesser son nouvel ami, elle lui caressa les naseaux, comme pour s'excuser. Mais piqué au vif, le lézard s'en alla manger un pommier.
A son retour, Vinia dormait, car il était très tard ; il retourna donc lui cueillir quelques arbres dans un verger, pour qu'elle puisse avoir à manger. Au petit matin, Grold trouva Vinia contre son cou, une pomme à peine croquée dans sa petite main. Elle était venue dormir contre lui pendant la nuit, au chaud contre le feu qui brûle dans ses entrailles.
Et aujourd'hui encore, ils vivent dans leur caverne. Vinia a jeté les vilains ossements qui jonchaient le sol, et les a remplacés par de belles plantes aux parfums enivrants. Grold se réjouit toujours d'entendre son rire sonore et si charmant ; et la nuit, il attend pour s'endormir que Vinia vienne le rejoindre, car il aime sentir battre son petit cœur contre ses écailles.